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Épisode 1. Prologue

Mon fils agresse un ogre : déclic d’une captivante enquête

Un ogre

Pourquoi dans les livres pour enfants, deux femmes amoureuses sont bien plus inattendues que deux hommes qui se battent à l’épée ? Pourquoi mon fils est persuadé que les chevaux sont noirs et les juments blanches ? Et ces représentations d’ogres, de monstres, sorcières ou encore de loups, comment façonnent-elles notre rapport aux gens, à la nature ?

Avec leurs images simples, parfois caricaturales, les récits de notre enfance seraient-ils une loupe de nos conditionnements, de nos stéréotypes et de nos réflexes, parfois violents ?

Jeune maman, j’ai été frappée par l’influence des histoires sur les apprentissages de mon ainé, comme cette agression d’un « ogre » que je te raconte en début d’épisode. Oui, mes petits bambins sont deux méga éponges et les histoires que je leurs lis façonnent leurs imaginaires.

J’ai donc décidé d’aller confronter mes interrogations de maman à plusieurs spécialistes, parents et professionnels du livre. Un premier épisode pilote qui a ouvert la voie à plusieurs prises de conscience et une nouvelle passion : celle d’aller explorer dans les recoins de nos cerveaux et de ces histoires afin de mieux comprendre les influences pas toujours reluisantes des histoires pour enfants sur nos comportements.

Bonne écoute et hâte de te voir embarquer avec moi pour les prochains épisodes.

Projet Libellules
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#1 Stéréotypes et littérature jeunesse : le livre enfant, loupe de nos conditionnements ?
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L’épisode complet ne tombe pas au bon moment pour toi ? Voici un savoureux extrait de moins de 3 minutes à base de… crottes de nez.

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Extrait : histoire de crottes de nez
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Coup de pouce : faisons naître ensemble l’épisode 2
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Faisons naître ensemble l’épisode 2

Ce premier épisode te plaît ? Bonne nouvelle : tu peux contribuer à faire naître l’épisode 2. Je cherche justement :

  • des acolytes qui, comme toi, sont prêt.es à explorer l’influence et les travers des récits jeunesse. Si tu le veux bien, chausse tes doigts de fée pour partager cet épisode et t’abonner à l’époustouflante newsletter du projet Libellules (oui, oui, époustouflante, rien que ça). De bouche à oreille, nous pourrons dénicher…
  • des structures pépites désireuses de devenir partenaires d’images et/ou financiers. Ces alliances bien pensées permettront d’avoir le carburant nécessaire pour l’envol des Libellules. Il suffit juste de bien cerner nos besoins respectifs.

Retranscription de l’épisode pilote

[Ambiance, Marion Perrot] Ça c’est une jument ou un cheval ?

[Aîné] Un cheval !

[Marion] Et pourquoi ça serait un cheval ? Ça ne serait pas une jument ?

[Aîné] Ben, Les juments ils sont blanches.

[Marion] Les juments, elles sont blanches ?

[Aîné] Oui, et les chevals ils sont noirs.

[Marion] Ah bon ? Et pourquoi ?

[Voix off, Marion Perrot] Coucou, ça va ? Prends tes aises. Je te propose dans ce podcast d’explorer avec moi l’influence des récits pour enfants sur nos façons de penser. Pour cela, j’ai été à la rencontre de chercheuses et de chercheurs, d’une maman devenue libraire engagée, et tu entendras aussi un atelier débat autour du livre jeunesse. Mais avant ça, détends tes oreilles, on va commencer un joli voyage dans nos imaginaires. Nom de notre carrosse ? Le podcast du projet Libellules.

[Début musique Debusy, harpe] [voix qui susurre « Libellules, Libellules »]

[Voix off, Marion Perrot] Je n’ai pas pu louer un studio, alors là je suis dans mon dressing pour avoir un son pas trop sale. Je suis entre la planche à repasser et l’aspirateur pendant que bébé fait sa sieste.

[bébé] Awwweuh

[Marion] Sa micro-sieste. D’avance, merci de ton indulgence sur la qualité sonore. Bisous.

[Fin de la harpe et du générique]

A l’impulsion de ce podcast…

[Marion] Allez, je me présente, Marion Perrot, une femme captivée par l’influence des mots et des images sur nos façons d’agir, et de penser aussi. Je suis aussi une maman. Deux garçons, le brun à trois mois, le blond trois ans. Et cet aîné, il a eu un jour une réaction qui m’a beaucoup interpellée. Je te raconte la scène. Nous sommes dans un cabinet médical, dans un long couloir moyennement fréquenté. Température agréable, lumineux sans être agressif. Mon ange tripatouille un radiateur, l’air très concentré. Il a à peine deux ans, des petites boucles blondes et des yeux grands ouverts sur le monde. Il gratouille ce radiateur pendant que moi je me débats avec une poussette bien trop petite pour toutes nos affaires. Et tout à coup…

[Aîné] Maman, oh ! Ogre, ogre !

[Marion] Il crie « ogre ! ogre ! » car il vient de voir arriver un homme obèse. Personne dans ce couloir ne peut ignorer la scène mais tout le monde, l’homme agressé en premier, baisse la tête en faisant semblant de ne rien entendre.

Moi, je prends dans mes bras mon fils terrifié qui me pointe du doigt celui qu’il appelle frénétiquement « l’ogre l’ogre ! Peur ! ».

Ultra violent pour le monsieur, agression inconsciente de la part de mon fils.

Inconsciente.

Cette scène, elle m’a beaucoup, beaucoup, beaucoup trotté dans la tête. Un ogre. Je n’avais pas réalisé à quel point cela portait un message.

L’ogre, mon fils et le rapport au poids : quel impact des livres enfants dans nos visions du monde ?

Un ogre, c’est quand même une personne grosse qui a si faim qu’elle dévore les enfants. Mais tu m’étonnes que mon fils, il flippe autant. Dans quelques secondes, il va être mangé. Est-ce que tu perçois toutes les implications que cela a ?

Moi, ça m’a fait tilt. Enfin, plutôt  [bruit d’alarme]

Oui, au moins ça. Parce qu’on sait bien que l’enfance, c’est une période où notre cerveau se développe de façon fulgurante. À cet âge, on est des méga éponges. Les apprentissages que l’on fait, ils s’inscrivent très rapidement et de façon durable.

Dans cette découverte du monde, le livre il a plein de dimensions : il nous apprend à nommer les choses, à découvrir les comportements, à comprendre les rôles.

Il a aussi ce côté super affectif, notamment dans le rituel du coucher, un temps un peu suspendu, où avec le parent, on s’amuse à imiter les personnages, on décrypte les images, on commente les réactions. Et les images, elles figent les postures. Elles disent beaucoup et sont souvent très caricaturales.

Le livre, il développe aussi notre créativité, nos imaginaires. Et pour moi, ces imaginaires, ils sont très puissants dans notre construction identitaire, avec en plus cette dimension très affective.

Ce petit moment de vie où mon fils a été sans le savoir très blessant envers un adulte, ce moment ajouté à mille autres questions que je me pose, cela m’a mis en chemin vers un projet que j’ai appelé le projet Libellules.

Je rêve d’un abonnement livre jeunesse conscient de mes valeurs et de l’impact des représentations sur nos façons de penser. Tapoti, tapota, je cherche et… je ne trouve pas.

Bon, par contre, je découvre la super initiative d’une maman et cette dame est tellement géniale qu’elle accepte de me rencontrer.

Rencontre avec Stéphanie de la librairie « les Livres qui sèment », engagée sur les questions de diversité, égalité, écologie

[Ambiance Marion, voix un peu essouflée] Bonjour, enchantée

[Stéphanie, fondatrice de la librairie les Livres qui sèment, voix souriante] Bonjour, bienvenue, enchantée.

[Voix off, Marion] Stéphanie, elle a fondé la librairie Les livres qui sèment, comme semer des graines Sa devise : diversité, égalité, écologie. Ah, vous entendez les paillettes dans mes oreilles ? Je lui ai demandé comment elle a monté son projet, qu’est-ce qui l’a motivée ?

[Stéphanie, les Livres qui sèment] J’ai tiré le fil rouge Enfin, un fil en fait sur les questions de représentation. Et j’ai remarqué que les personnages de nos histoires étaient toujours les mêmes, qu’on était sur des profils très lisses. Et du coup, j’ai réalisé qu’on pouvait après reprocher à certaines catégories de personnes de ne pas s’interroger ou ne pas rentrer dans le monde du livre, mais en même temps, ils n’étaient pas représentés dans le livre. Et donc voilà, c’est des questionnements que je me suis posées en tant que parent. Et en fait, je rappelle quand même que je ne viens pas du tout de l’univers du livre. C’est vraiment, j’ai toujours aimé la lecture mais je n’avais pas de données. Je ne m’étais vraiment jamais posé des questions précises sur notre histoire littéraire.

[Marion] Et il y a des exemples concrets, où quand tu t’es mise à lire une histoire, tu t’es dit, oh, il y a quelque chose qui cloche ?

[Stéphanie, librairie les Livres qui sèment] Déjà, les histoires de princesses, je n’aimais pas trop les lire. J’ai plutôt des exemples positifs sur des histoires de livres ou une histoire où je tombe sur… C’est l’histoire des crottes de nez, je ne sais pas si tu connais. Il faudrait que je te trouve le titre du livre.

[Marion] Amour, beauté et crottes de nez.

[Stéphanie, librairie les Livres qui sèment] Amour, beauté et crottes de nez. Et en fait, il faut quand même bien prononcer le nom. Tu vois, là, je n’arrive jamais à lire. Ca, c’est quoi ? Mrzyk ?

 [Marion] Mrzyk et Moriceau.

[Stéphanie, librairie les Livres qui sèment] Et Moriceau, oui bon, c’est pas très simple.

[Marion] Oui, excusez-nous pour la prononciation.

[Stéphanie librairie les Livres qui sèment] Donc ça, ce sont des livres que j’ai lus à mes enfants pendant le confinement. Donc il y a Amour, beauté et crotte de nez qui est édité chez les fourmis rouges. Et dans cette histoire… il y a un des personnages principaux qui s’envole pour un concours de beauté. Magalie.

Et Magalie, bon finalement en fait elle part pour son concours en catapulte et la catapulte ne l’emmène pas du tout là où elle pensait aller. Elle se fait kidnapper par des boulettes de pieds je crois et dans la prison elle rencontre Mireille. Et donc il y a une histoire voilà. C’était pour un concours de coiffure.

Magalie rencontre Mireille et à un moment, c’est dit.

« Du côté de Magalie et Mireille, il faut te signaler un événement capital. Tu l’as peut être remarqué, depuis leur rencontre, Magalie et Mireille étaient tombées gravement amoureuses. Elles ne pouvaient plus se quitter et profiter de chaque instant passé ensemble. Au bout d’un moment, Magalie eut envie d’emmener Mireille dans son village pour lui présenter tous ses amis. »

Et en fait, c’est la première fois que je tombe dans une histoire pour enfants, d’une histoire d’amour qui n’est pas hétérosexuelle. Et ça, moi mes filles, quand je leur lis ça, elles ont 3 et 5 ans. Et là j’ai un déclic fabuleux et du coup je me mets à leur parler, à leur dire, vous savez les filles, dans la vie vous pourrez tomber amoureuse de garçons comme de filles.

Crottes de nez homosexuelles dans un livre pour enfants, son déclic fabuleux révélant ce que le livre dit de « la normalité »

Et j’ai compris que ce livre avait été un support pour moi pour annoncer très tôt qu’elles, enfin voilà, elles pouvaient tomber amoureuse des personnes qu’elles voulaient. Mais surtout j’ai remarqué, ça m’a fait vraiment bizarre de tomber pour la première fois sur deux personnages féminins qui tombaient amoureux, et j’ai réalisé en fait à quel point tous nos livres, absolument tous, étaient hétéronormés.

Et j’ai compris là, qu’il y avait déjà un impact sur, bah, le jour où tu tombes amoureux ou amoureuse d’une personne du même sexe, quand tu n’as vu que des images gamins de couples hétéros normés, qu’est-ce que ça crée chez toi ?

Du coup, tu te sens anormale.

Et j’ai compris que la normalité, elle était apportée par le livre. Et que, dès tout de suite, on avait des histoires qui se ressemblaient toutes, avec des schémas qui se ressemblaient tous, avec des personnages principaux qui se ressemblaient tous, et qu’en fait, la littérature jeunesse nous présentait ce que devait être la normalité et tout ce qui est à côté est un peu considéré comme des accidents de la vie ou du hors-norme.

Et c’est là où j’ai eu un premier déclic.

Donc là, on était en 2020 pendant le confinement. Et après, j’ai eu un deuxième déclic avec la lecture de Rosa Parks, de la collection Petites et Grandes qui venait de sortir en France, enfin qui venait d’être traduite. Et là, de présenter à mes enfants le profil de Rosa Parks qui, avec la force d’un non, a changé le cours de l’histoire, je me suis dit que j’étais hyper heureuse de leur présenter des femmes visionnaires.

Je me suis rappelée que dans les manuels d’histoire, les personnages féminins manquaient beaucoup. Et donc, j’ai eu aussi ce truc de me dire, mais il faut que je leur présente davantage de rôle modèle féminin pour que tout de suite, elles voient, elles, qu’elles n’ont pas… Ce qu’on attend d’elles, ce n’est pas qu’un destin de princesse ou un destin de petite fille enfermée à la maison, comme on peut retrouver beaucoup dans les livres, mais de leur dire justement déjà à 3 et 5 ans de leur montrer ce que des portraits de femmes pouvaient déjà les orienter dans ce qu’elles pourraient être et faire plus tard. Et voilà.

Et voilà, là, ça a été des déclics. On était en 2020 et je me dis mais les livres ont vraiment un pouvoir puissant en termes de transmission de messages. Je dois donc faire attention à ce que je vais lire à mes enfants.

Sa volonté ? Limiter les messages stéréotypes et refléter la diversité de nos êtres grâce aux livres jeunesse.

Avec aussi limiter les messages stéréotypés et non seulement les messages stéréotypés, mais de leur dire si à un moment moi je veux leur montrer que tous les enfants sont égaux, si jamais dans ma bibliothèque on n’a que des enfants blancs par exemple, que des enfants valides qui ne sont pas porteurs de handicap, ou si on n’a que des petits garçons, quelle est l’image que je leur montre de la diversité ?

C’est là qu’on a réalisé avec les filles et avec mes enfants que les bibliothèques qu’on avait chez nous, elles ne reflétaient pas du tout notre quartier, elles ne reflétaient pas du tout l’extérieur, l’univers dans lequel on vivait.

C’est vraiment venu par ça, en me disant : comment aujourd’hui, à mon échelle, je pourrais, à l’échelle du quartier, et puis peut-être à l’échelle justement de toute une génération, empouvoirer les enfants grâce aux livres.

Et donc l’idée des livres qui sèment, c’est vraiment de planter ces graines qui vont grandir, les graines de la confiance. Et puis quand on a confiance en soi, on est beaucoup plus en adéquation, on a confiance en l’autre aussi. Donc c’est ça l’idée. C’est vraiment d’utiliser le livre comme un outil.

[Voix off, Marion] Alors, vous en pensez quoi ? Moi, j’ai très envie de la lire, cette histoire de crotte de nez. Pas vous ?

C’est quand même bizarre, non ? De se dire que dans une histoire, deux hommes qui se battent, cela nous surprend beaucoup moins que deux femmes qui s’aiment.

Bref, j’ai très envie d’avoir cette Libellule dans ma bibliothèque, mais ce n’est pas ce livre que j’ai acheté aujourd’hui à Stéphanie.

La sélection du jour que j’ai faite, en plus d’être un très bon livre, me fait une superbe transition. Parce que, dans ce premier épisode en guise de prologue, je cherche à comprendre en quoi le livre peut être une loupe de nos conditionnements.

Zoom sur l’(in)égalité de genre en littérature jeunesse

Pour répondre à cette question, prendre l’exemple du genre, de l’égalité fille-garçon, a été la voie la plus simple à suivre. Je répète ma question. Le livre jeunesse est-il une loupe de nos conditionnements ?

Premier indice avec ce petit livre que j’ai acheté. Il s’appelle Les Animales de Fred L. aux éditions Talents Hauts. C’est un petit imagier qui présente les juments, les louves, les zébrelles, les hases.

Je t’économise une recherche, une hase, c’est un lièvre version femelle.

Le livre m’avait été suggéré plusieurs fois et je trouve cette approche à la fois simple et très juste. Cette nouvelle perspective, elle semble un tout petit peu acquise pour mon aîné.

[Ambiance, aîné] Y’a que UNE jument.

[Marion] Oh, il pourrait y en avoir plus quand même. Je crois qu’on a 10 des juments, non ?

[Aîné] Hein ? Il y a pas des chevals.

[Marion] Et ça, c’est une jument ou un cheval ?

[Aîné] Un cheval.

[Marion] Et pourquoi ce serait un cheval ? Ce ne serait pas une jument ?

[Aîné] Les juments, ils sont blanches.

[Marion] Les juments, elles sont blanches ?

[Aîné] Oui, et les chevals ils sont noirs.

[Marion] Ah bon ? Et pourquoi ?

[Aîné] Parce que, ils sont noirs.

[voix off, Marion] Bien nommer les choses. Représenter le féminin autant que le masculin. Mais voilà une idée révolutionnaire, non ? D’ailleurs, comment cela se passe côté représentativité dans les livres jeunesse ?

Pour trouver ma réponse, j’ai une étude sur le sexisme en littérature jeunesse. Elle est signée Anne Dafflon-Novelle de l’Université de Genève. Les conclusions datent un peu puisque c’est sorti en 2002 mais la mécanique me semble intéressante et toujours actuelle. Deux points notamment.

Sexisme en littérature jeunesse : ces chiffres qui révèlent nos propres biais

Le premier, c’est que dans une vue globale, on trouve deux fois plus de livres avec un héros masculin plutôt qu’une héroïne. Et là où cela devient intriguant, c’est qu’il y a une très grande disparité selon l’âge de l’enfant. Écoutez bien, dans la catégorie 0-3 ans, il y a 10 fois plus de héros masculins que d’héroïnes au trait féminin.

0-3 ans, vous savez, c’est ce moment de vie où l’on acquiert le langage, où l’on décrypte les rôles. Par contre, après 9 ans, on trouve dans la littérature jeunesse francophone deux fois plus d’héroïnes que de héros.

Mais pourquoi cet inversement ? C’est là que vient le deuxième point.

Avant six ans, ce sont les adultes qui choisissent les livres de leurs bambins. Et en moyenne, on a tendance à considérer qu’un héros est fait autant pour les filles que pour les garçons, alors qu’une héroïne, c’est une lecture de petite fille, selon les parents.

Par contre, à 9 ans, les petites filles ont davantage leur mot à dire sur leur choix de lecture, et vu qu’elles lisent plus et qu’elles préfèrent avoir une héroïne plutôt qu’un héros, eh bien le marché s’adapte.

Intéressant, non ?

Rôles modèles : quels modèles de comportements nous insufflent les héros et héroïnes de nos enfances ?

Et si la quantité de héros et de héroïnes est importante à prendre en compte, la posture l’est tout autant. Cendrillon ou Batman, on est d’accord, ce n’est pas tout à fait les mêmes modèles de comportement. Et cette posture, elle interroge beaucoup Samya.

[Samya, participante atelier de la ville de Nantes] Moi, je n’ai pas pris le livre, mais c’était Martine.

[Plusieurs voix qui s’élèvent et quelques rires]

[Voix off, Marion] Là, tu entends Samya. Samya, c’est une parent d’élève et elle participe à un atelier organisé par la ville de Nantes autour des questions d’égalité et de littérature jeunesse. Dans la salle, une quinzaine de personnes, principalement des femmes, qui sont là en tant que parents, personnels de bibliothèques, de la petite enfance ou de l’éducation. L’atelier s’appuie sur 46 livres et après les avoir feuilletés, on en choisit un et on partage nos réflexions. Samya donc a choisi la célèbre Martine.

[Samya, participante atelier de la ville de Nantes] Moi, il m’a tapé dans l’œil en rentrant dans la salle, sans réaliser qu’il y avait un… un CD ni qu’il y avait Ludivine Sagné sur la couverture. Ça m’a juste ramenée à moi, en tant que fille, et donc en tant que femme, et en tant que maman. J’ai une quarantaine d’années, ça se voit à peine. [rires] Et j’ai été élevée avec Martine.

Quand je pense à elle, c’est vraiment une énorme pression sur les petites filles parce qu’elle est absolument parfaite, cette gamine.

[« ouais » dans la salle]

Et on la trouve toute très belle et très bien coiffée, très bien habillée. Et toujours bien gentille avec son chien et ses camarades.

Et donc, ça m’a vraiment rappelé une pression inconsciente qu’on peut subir en tant que petite fille dans une direction de perfection comme ça qu’on n’atteindra absolument jamais. Moi, pour mettre mes cheveux comme elle, c’est pas possible. [Rires]

En lisant ça, je me suis dit que c’était une vieille édition en fait. Parce qu’elle finit le livre en se disant, « moi dans la vie, je veux être maîtresse ».

[réaction salle] C’est une réédition.

[Samya] Ah, c’est une réédition. D’accord, ça reste une histoire originale.

[Réaction] Il y a eu quand même des modifications car on ne voit plus la culotte de Martine.

[Samya] Voilà, comment on se déconstruit de ça pendant 40 ans, entre les années 80 et les années 2020, pour ne pas transmettre cet idéal de perfection à ses propres enfants.

Quand Martine révèle une tension interne, entre le patrimoine, l’affectif et la volonté d’émancipation

[Hervé Moëlo, animateur atelier de la Ville de Nantes] Et puis c’est ancré dans les inconscients des mamans qui les réachètent pour leurs enfants. C’est assez compliqué du coup.

[Samya] Et puis il y a une émotion en réalité quand on la voit. Une émotion positive aussi. Du coup il y a comme un petit combat interne qui se fait.

[Hervé Moëlo] Oui, ce n’est pas si simple de dire « Martine, il faut arrêter, c’est aussi un patrimoine. »

[Samya] C’est ça.

[Réaction bibliothécaire] Puis il y a aussi le forcing. Moi, je me souviens quand mes enfants étaient petits, je n’aimais pas, en tant que bibliothécaire, je haïssais Martine et mes parents se faisaient un malin plaisir à chaque anniversaire ou chaque noël d’offrir des Martine à leurs petits-enfants [Rires]. Donc, il y avait quelque chose de…

[Hervé Moëlo] Et ça va avec tes parents ? [rires]

[Bibliothécaire] C’était un jeu, mais comme quoi c’était vraiment le patrimoine et ce que ça représente.

Histoire pour enfants : un héritage de l’éducation bourgeoise

[Voix off, Marion] Cet héritage affectif, avec des modèles très lisses et parfaits, il est intimement lié aux origines du livre jeunesse. Anne Schneider, maître de conférence à l’université de Caen, est notamment spécialiste des questions de littérature jeunesse et de genre.

[Anne Schneider, Université de Caen] Au départ, la littérature de jeunesse, elle se destine d’abord à un public très bourgeois. C’est vraiment les petites filles d’ailleurs, ou les petits garçons dans les milieux bourgeois, et il y a une vertu très moralisatrice. Donc il y a des petites phrases qui terminent les histoires avec il faut faire ci, il faut faire ça ou il ne faut pas faire ci, il ne faut pas faire ça.

Cette vertu moralisatrice, on va la retrouver encore aujourd’hui, même si elle est atténuée dans sa formulation. Mais, quand vous transmettez des valeurs, c’est évidemment les valeurs de la société qui font cause commune, ce qu’on appelle le faire société. Et, ces valeurs, automatiquement, quand elles sont transmises à des enfants, elles sont aussi formulées d’une façon à ce qu’ils adoptent des codes sociaux et aussi des codes, alors moralisateurs, ça irait trop loin en disant ça, mais disons des codes éducatifs et didactiques.

Stéréotypes, métiers et inégalité hommes-femmes sur le marché de l’emploi : représentation clichés dans les livres pédagogiques

[Voix off, Marion] À côté des livres à messages qui inculquent des valeurs, des lignes de conduite, il y a aussi les livres d’apprentissage, les encyclopédies jeunesse. L’un d’entre eux était présent à Nantes dans l’atelier animé par Hervé Moëlo et Nathalie Baraban.

[Participante 1 – atelier ville de Nantes] Moi j’avais choisi, alors je me suis dit, ah un livre récent sur les métiers pour apprendre tous les métiers aux enfants. J’ouvre, tranquillement et puis… Le directeur du parc, le chargé de mission, le chargé de communication, les gardes moniteurs… l’animatrice nature [rires] le cartographe, le technicien de rivière, le berger, l’ouvrier agricole, l’accompagnateur en moyenne montagne.

Et je fais Ah ! Ah ! Ok ! Du coup, je me suis dit Ok ! Du coup, il n’y a pas du tout, du tout, très très peu de filles qui sont présentées.

[Participant 2] Tous les rôles subalternes.

[Participante 1] Oui, c’est ça, c’est ça, parce que tu tournes la page et il y a….

[Réaction] Alors que c’est super récent ça en plus.

[Participant 2] Et il y a un le même bouquin, par là, sur les métiers [rires] et c’est pareil, il y a des dessins et la femme, elle est toujours derrière.

[Réaction] L’assistante.

[Hervé Moëlo] Il faut dénoncer l’éditeur, là, c’est qui ?

[Participante 1] C’est Gallimard.

« Sexisme bienveillant » : comprendre la mécanique du stéréotype et de la discrimination

[Voix off, Marion] Très stéréotypé. André N’dobo, professeur de psychologie sociale à l’Université de Nantes et spécialiste des questions de discrimination, me souligne qu’avoir un stéréotype ne conduit pas systématiquement à un comportement discriminant.

Je peux par exemple penser que toutes les Suédoises sont très belles sans rien faire de cette idée. Je projette une idée sur tout un groupe sans prendre en compte chaque individu.

Mais cette généralisation, je peux ne rien en faire. Par contre, c’est bien du stéréotype que peuvent naître des discriminations insidieuses.

[André N’Dobo, Nantes Université] Si je dois arbitrer, dans une situation concrète, entre…  je suis un chef de chantier, en l’occurrence, comme je sais que la femme n’a pas sa place au travail, elle doit être à la maison, donc si, par hasard, elle est au travail quand même, je vais essayer de la ménager. Je vais lui dire « Non, le tracteur, tu ne le prends pas, c’est Jean qui le prend et non pas toi, Antoinette. »  Et parfois pour des bonnes raisons, c’est-à-dire que je peux dire que « C’est pour te protéger, parce que tu es fragile, je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose de mal ». Ce que l’on appelle le paternalisme protecteur.

[Marion] Donc on a pas conscience que..

[André N’Dobo] Non, on n’a pas conscience. Et il y a des gens qui ont travaillé sur cette affaire de paternalisme protecteur. « C’est pour son bien ». On appelle ça, le sexisme bienveillant. Je suis bienveillant avec toi, puisque compte tenu de ta condition, je ne voudrais pas que tu t’engages dans telle ou telle activité. C’est pour te protéger.

[Voix off, Marion] Ce schéma, il me semble ultra courant. Ce passage qu’on a d’un stéréotype, une croyance commune à un comportement où on discrimine, mais sans avoir forcément l’intention de nuire, il est omniprésent dans notre façon d’agir.

C’est une boucle perpétuelle si on n’élargit pas un peu les perspectives, si on ne change pas un peu les lignes.

Alors forcément, quand on est pris sur le vif, l’envie ce serait de dire « Bon, ça va, c’est pas si grave ».

Mais ces indications sont répétées, répétées, répétées. Cela devient des modèles pour nous faire comprendre où est notre place sociale.

Ces représentations, toujours identiques, elles influencent inconsciemment nos choix de carrière et participent à leur façon aux inégalités hommes femmes sur le marché de l’emploi.

Alors oui, on peut débattre de la poule ou de l’œuf sur les questions de représentation.

Ou passer à l’action, en faisant bouger un peu nos histoires.

Stéréotypes dans les livres jeunesse : l’influence de la structuration du marché du livre et de l’édition

Mais l’omniprésence de stéréotypes sur le marché de l’édition jeunesse est très fortement liée à la structure du marché du livre. Ce point, Hervé Moëlo le souligne lorsqu’il anime, en tant que responsable du Centre Ressources Ville, l’atelier littérature et égalité filles-garçons à Nantes.

[Hervé Moëlo] 150 éditeurs en France, pour la jeunesse. Aujourd’hui, c’est énorme : 150. Mais la grande majorité sont regroupées en 4 grands groupes d’éditions. Ce sont des multinationales. Il y a quelques éditeurs indépendants, mais très très peu, et Gallimard notamment, il fait partie d’un grand groupe d’édition. Alors le lien avec ça, c’est qu’on fait de la littérature industrielle. Il faut que ce soit vendu, et on ne va pas aller à l’encontre des stéréotypes.

Les livres que vous avez pu voir qui sont un petit peu différents, peut-être que certains en parleront, c’est des éditeurs spécialisés, qui sont indépendants, qui font des livres quasiment militants. C’est les Talents hauts, ou bien Alice aussi.

[Voix off, Marion] Stéphanie, de la librairie Les Livres qui Sèment, voit quant à elle une petite évolution dans les pratiques.

Quand les parents se lancent et impulsent un souffle nouveau sur le marché du livre enfant

[Stéphanie, fondatrice de la librairie les Livres qui sèment] Il y a un mouvement. Par contre, ce que j’observe quand même, c’est que ce mouvement a été aussi accéléré par la naissance de beaucoup de maisons éditions auto-éditées. C’est-à-dire avoir des parents, un peu qui comme moi, ont ressenti qu’il y avait quelque chose à faire dans la littérature jeunesse et que le marché existant ne leur convenait pas.

Et donc, ils ont créé leurs propres livres.

Donc, quand tu regardes des éditions comme On ne compte pas pour du beurre… qui elles, ce sont des mamans lesbiennes qui en avaient marre de trouver, de voir simplement trouver des familles homoparentales dans ces catalogues de « je t’explique les différentes familles » alors que l’objectif c’est vraiment pour banaliser d’avoir une petite fille qui va au parc avec deux mamans sans que ce soit nommé.

En fait, ça s’est venu de personnes qui ne venaient pas du monde du livre et elles ont créé cette collection avec des personnages Voilà, des sujets autour de l’écologie, autour de la philosophie, avec juste des schémas familiaux différents qui ne sont pas nommés.

Et bien ça, la littérature jeunesse, en tout cas mainstream on va dire, les grandes maisons d’édition ne le faisaient pas.

[Marion] Ne le faisaient pas. Et donc elles commencent à s’inquiéter, enfin s’inquiéter, se soucier un petit peu de ces représentations ?

[Stéphanie, Les livres qui sèment] Oui, je pense qu’aujourd’hui oui, parce qu’elles ont été bousculées par la naissance de ces familles qui ont créé leurs propres livres.

[Voix off, Marion] De nouveaux récits émergent donc. Anne Schneider, de l’université de Caen, a choisi d’analyser très finement les histoires qui tentent de faire bouger les rôles stéréotypés du masculin et du féminin, afin de comprendre ce qu’ils véhiculent, leurs nouveaux discours.

Livres anti-stéréotypes : quelles nouvelles normes créent-ils ?

[Anne Schneider, Université de Caen] Quand vous voulez trop déjouer les stéréotypes, vous refabriquez du stéréotype.

C’est le cas par exemple des histoires de princesses. Vous avez des princesses aujourd’hui habillées comme des garçons, et puis elles vont tuer le dragon, on le montre très bien. Mais en fait, ça, c’est la reproduction des codes virilistes. C’est-à-dire que pour les montrer non plus comme des petites filles habillées en rose dans l’image maternante qu’elles ont elles-mêmes acquise, on les montre dans des rôles d’hommes où elles sont avec une épée en train de couper la tête des dragons.

Donc ça, c’est du contre-stéréotype, parce que ça veut dire que le seul modèle valorisant et dominant, c’est le modèle masculin.

Il y a eu ça, et ça a été beaucoup reproché à Talents Hauts, parce que Talents Hauts, pendant longtemps, entre 2012 et 2016 on va dire, ils ont beaucoup créé d’albums contre-stéréotypés. Et ce n’est pas grave, c’était un passage aussi pour montrer qu’il y avait d’autres modèles possibles.

Ce que je vois aujourd’hui dans les ouvrages pour enfants, c’est d’abord un traitement des questions genrées avec de l’humour. Et c’est souvent dans la chute des albums qu’il y a un renversement. On se rend compte que finalement les choses ne sont pas aussi normées. Il y a un personnage qui montre qu’on peut réfléchir autrement, penser autrement et construire d’autres modèles.

Ensuite, ce dont je me suis aperçue aussi, c’est qu’à chaque fois qu’il y a des nouveautés, c’est quand on met en scène des duos garçons-filles, donc soit frères et sœurs, soit copains-copines, qui vont vivre des aventures à l’extérieur et qui vont complètement déjouer les rôles stéréotypés. Donc la fille, elle fait du feu, elle coupe du bois, le garçon, il se met à faire la cuisine.

Et donc, le modèle de l’aventure est souvent aujourd’hui joué du côté des duos garçons-filles, avec vraiment un travail égalitaire sur ces duos garçons-filles.

[Voix off, Marion] Dans son étude, elle a également remarqué un point commun qui revient très souvent et qui n’est pas anodin.

Nouveau ou ancien stéréotypes ? Cette femme rousse et indépendante

[Anne Schneider, Université de Caen] Les cheveux, ça cristallise beaucoup de choses dans les albums pour enfants.

Soit on montre des filles qui sont hyper battantes, un peu rebelles, mais elles ont toujours des cheveux roux, longs et roux. Or la rousseur, cela renvoie aux sorcières et à une marginalisation des femmes qui a pu exister au Moyen-Âge. Et je trouve ça assez biaisé justement. C’est à dire qu’au lieu de montrer des modèles de femmes avec tout un tas de types de couleurs de cheveux différentes, quand elles sont hyper modernes, par exemple une femme cow-boy que j’ai pu voir dans un album, elles sont dessinées avec des cheveux roux.

Donc je trouve ça assez terrible parce qu’en fait c’est comme si la reconfiguration du genre Elle se faisait à travers un détail qui n’est pas si innocent que ça et qui, en fait, restéréotypise les femmes du côté de leur marginalité présupposée au Moyen Âge.

Donc ça, ça m’a un peu dérangée.

Et puis, j’ai pu voir aussi qu’il y avait même un album sur les garçons avec cheveux longs. Mais en fait, le modèle qui était donné, c’était d’Artagnan ou c’était Borg, le joueur de tennis, ou des musiciens de flamenco. Et en fait, je trouvais ça dommage. Parce que c’était à nouveau montrer l’enfant avec, certes, un garçon avec des cheveux longs, mais dans un milieu social où c’est tout à fait autorisé et où c’est même très valorisant. Donc là, ça n’a pas de sens non plus. Ma conclusion, c’est qu’il faut vraiment regarder les albums avec un œil hyper attentif, parce qu’il y a des reconfigurations de genre qui se font au détour d’une page, avec des petits détails qu’on pense superflus et qui en fait sont lourds de sens.

[Voix off, Marion] Le conseil est juste, mais aussi parfait pour entamer la conclusion de cet épisode, tu ne trouves pas ?

Avant de se dire au revoir, j’aimerais quand même préciser mon intention. Je ne cherche pas à déconstruire, car j’ai entendu cette pertinente réflexion de Céline Pétrovic, la dernière personne que j’ai interrogée. Elle est spécialiste des questions de genre dans le secteur de l’éducation, et quand j’ai utilisé le mot déconstruire, elle m’a indiqué ceci.

Stéréotypes : on ne déconstruit pas, on conscientise puis, à la rigueur, on évolue

[Céline Pétrovic] Moi, le mot déconstruire, je ne l’utilise pas, parce que pour moi, on conscientise des choses et après on est amené à évoluer. Déconstruire, c’est, à la rigueur, le résultat final, mais déconstruire, je n’aime pas trop. Surtout que ça a été réutilisé ensuite par les manifs pour tous pour dire qu’on déconstruisait les identités, qu’on déconstruisait la société et que bref…

[Voix off, Marion] Conscientiser. Ma langue fourche un peu quand je le dis mais c’est exactement ça.

J’aimerais prendre conscience des mécaniques à l’œuvre avec nos imaginaires jeunesse et avec cette meilleure compréhension, j’aimerais voir ce que je peux faire en tant que maman pour trouver à mon échelle et quand cela me semble nécessaire des livres Libellules à proposer à mes fils.

Car, soyons réalistes, je ne pourrai jamais chasser tous les personnages stéréotypés du quotidien de mes bambins. Impossible d’échapper à Pat’patrouille ou même à la Reine des neiges. [Cri horrifié de chute]

Enquête passionnante, non ? Elle ne peut se poursuivre que grâce à toi

Voilà en bref pour l’intention. Côté programme, si tu veux bien me suivre dans cette exploration, on pourrait partir sur les pas des grandes figures du conte. J’ai commencé à creuser et elles ont plein plein plein de choses à nous dire sur des questions sociales très actuelles.

Par contre, avant cela, j’aimerais beaucoup sortir de mon placard avec [tic] son lumière automatique qui s’enclenche sans arrêt. Et c’est là que j’ai besoin de ton aide. Prends une petite minute pour partager cet épisode à un parent, un prof, un animateur périscolaire, des bibliothècaires ou juste un ami qui pourrait aimer cette enquête.

Pour moi, ce serait un immense cadeau. Parce que si j’arrive à glaner une audience grâce à ton soutien, là, maintenant, j’aurais envie de continuer. Et en plus, je pourrais peut-être convaincre des partenaires pour mieux m’équiper et soutenir ce projet. [Tic de lumière] Fais-moi sortir, s’il te plaît.

[Musique de harpe, générique]

Hey, t’es encore là ? Bon, alors je vais te répondre. Bah si, tu te demandes pourquoi libellule, non ? Une libellule, c’est poétique, mais c’est aussi un bio-indicateur. Quand tu vois une libellule, cela t’indique que tu es sur une zone humide en bonne santé. Et bonne nouvelle, les zones humides sont ultra précieuses pour nous aider face aux dérèglements climatiques. Et on y trouve une très grande variété d’espèces, animales et végétales. Voir une libellule, c’est être sur une zone… qui contribuent activement à un monde vivant, à un monde vivable. Et là, tu me vois venir mettre des libellules dans sa bibliothèque, c’est pour moi offrir une grande et belle diversité de livres, d’expériences, de personnages, de récits, qui participent chacun, par leur singularité, à nous offrir des modèles de monde plus vivant, plus vivable.

C’est classe, non ? Ah bon ?

[Fin musique de générique, applaudissements salle d’opéra]

Allez, mes au revoir, c’est maintenant. Bisous !

[Tic de lumière] Cri d’énervement de ma part. Areuh trop mignon de mon dernier.

Fin

Une enquête signée Marion Perrot.
CC musique du générique : Danse sacrée et danse profane. II. Danse profane : Claude Debussy, interprétée par United States Marine Band

Les intervenant.es et références de l’épisode 1

Dans cet épisode, sont interviewés, par ordre d’apparition :

  • Stéphanie Daniel, fondatrice Les livres qui sèment une « librairie jeunesse indépendante et engagée pour la diversité, l’égalité et l’écologie ».
  • Atelier débat « Stéréotypes et littérature jeunesse » organisé par la ville de Nantes et animé par Nathalie Baraban et Hervé Moëlo.
  • Anne Schneider, maître de conférence HDR en langue et littérature françaises à l’Université de Caen. Spécialiste de la littérature de jeunesse, elle a notamment participé aux travaux de recherche MixPrim, programme de recherche pluridisciplinaire sur la mixité dans les métiers de la petite enfance.
  • André Ndobo, professeur de psychologie sociale à Nantes Université, spécialiste des questions de discriminations
  • Céline Pétrovic, docteure en sciences de l’éducation, spécialiste des questions de Genre.

Les références des livres, études

L’imagier que j’ai acheté : Les animales, Fred L, éditions Talents Hauts, 18 pages, 17x17cm, tout cartons, 11,90€

Les références citées par Stéphanie, de la librairie les Livres qui sèment :

  • Livre déclic 1 : Amour, beauté et crottes de nez, de Mrzyk & Moriceau, éditions Les fourmis rouges, 48 pages, 19×26,8cm, 3 ans et +, 15,50 €
  • Livre déclic 2 : Rosa Parks, texte Lisbeth Kaiser, illustration Marta Antelo, Kimane éditions, collection Petite et Grande, 32 pages, 20×24 cm, 4 ans et +, 11,95 €
  • Éditions On ne compte pas pour du beurre, fondée par des mamans désireuses de proposer « des récits lumineux et variés dans lesquels toutes les diversités coexistent simplement. »
  • Sylvie Ly, maman autoédité, autrice de La conception de Léo avec la PMA, textes Sylvie Ly, images Vy Tran, éditions 38Lingua, 36 pages, 21×28 cm, 3 ans et +, 14,00 €

Atelier Stéréotypes et littérature jeunesse de la ville de Nantes, Hervé Moelo et Nathalie Baraban citent : les éditions spécialisées : Éditions Talents Hauts, Éditions Alice jeunesse

Travaux d’Anne Schneider, université de Caean synthétisés sur le site MixPrim, programme de recherche pluridisciplinaire sur la mixité dans les métiers de la petite enfance.

Références notamment citées sur ce site 

« Anne Schneider, « Métiers et rôles dans les albums pour les petits : Reproduire ou déconstruire les stéréotypes ? » « Petite enfance et précarité », Revue de la petite enfance et de la diversité Le Furet n°91, décembre 2018, pp.52-53.

Anne Schneider, « Filles et garçons en littérature de jeunesse : vers l’égalité ? », « A table …les petits ! » Revue de la petite enfance et de la diversité, Le Furet n°90, septembre 2018, pp.56-57.

Chiffres cités : Sexisme dans la littérature enfantine : quels effets pour le développement des enfants ? Synthèse des recherches examinant les représentations du masculin et du féminin véhiculées dans la littérature et la presse enfantines de publication récente. Anne Dafflon Novelle, Université de Genève. Synthèse sur la base ses propres études publiées en 2002 et 2003.

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